Résultat : 3 700€.
[AUTOGRAPHE] – AVIATION – AÉROPOSTALE – LATÉCOÈRE
MERMOZ (Jean)
L.A.S. de 2 pages 21×27 cm, en date du 30 octobre 1925, à l’entête du restaurant-confiserie-salon de thé Royal – Ramblas estudios, 8 – Barcelona, en réponse à la demande d’article d’un journaliste. Mermoz (surnommé « l’Archange ») demande à celui-ci d’axer son article sur l’activité de l’Aéropostale, de la compagnie Latécoère et de l’ensemble des pilotes exerçant comme lui ce périlleux métier, sans le mettre en avant personnellement ni insister sur sa célébrité.
Grande écriture très formée caractéristique de l’aviateur, sur papier à entête crème, en bon état (légèrement frangé en bordure, pliures centrales).
« Monsieur, je vous prie de bien vouloir me pardonner si je n’ai pu répondre immédiatement à votre lettre, le travail de ses derniers jours ne me l’ayant pas permis. Permettez-moi d’abord de vous remercier très vivement de votre aimable proposition. Je suis heureux que vous ayez gardé un excellent souvenir et de votre voyage et du pilote. Néanmoins, pardonnez-moi de ne pouvoir accéder à votre demande : ce serait me faire une réclame imméritée vis-à-vis de tous mes camarades qui font chaque jour ce que je fais personnellement et je ne m’en reconnais pas le droit. De plus, notre rôle à nous, pilotes de ligne, est d’être et de rester obscurs. Nous accomplissons simplement un métier, parfois un peu plus dur que les autres, mais qui n’en est pas moins un métier. Nous ne battons pas de record, nous ne sommes pas les héros des raids de grande envergure : chaque jour, nous acheminons le courrier vers un point donné à des heures données. Les difficultés que nous rencontrons parfois nul ne les connait, ne cherche à les connaître, du moment que le chargement arrive à destination. Chacun accomplit sa tâche avec toute la conscience professionnelle dont il est capable. C’est-à-dire, cher monsieur, que je ne suis qu’un des nombreux pilotes que la Compagnie Latécoère emploie dans le sens propre du mot, pour transporter le courrier de France … à sa destination. Oubliez-moi personnellement sur votre article, pour ne songer qu’à la communauté. Une simple relation de votre voyage n’en sera pas moins intéressante sans ma photographie et mes états de service. Un exemplaire ne manquera pas de me faire plaisir. Encore une fois, je vous prie de bien vouloir m’excuser, et en espérant avoir le plaisir de vous rencontrer sur notre ligne à nouveau. Je suis très respectueusement votre. – Mermoz ».
On joint un portrait photographique de l’aviateur (29×22,5 cm), signée Piaz, contrecollé dans une chemise crème cartonnée.
A l’âge de 19 ans (1920), Jean Mermoz signe un engagement dans l’armée pour quatre ans et choisit l’aviation ; il y réalise six cents heures de vol en dix-huit mois. Ainsi débute la carrière du célèbre aviateur français.
Démobilisé en mars 1924, il ne trouve aucun emploi auprès des compagnies aériennes, connaît la misère et doit vivre de petits emplois. Il reçoit enfin une proposition de contrat (1924) des Lignes aériennes Latécoère, dirigées par Didier Daurat.
Mermoz débute comme mécano mais est rapidement affecté en rang de pilote sur la ligne Toulouse-Barcelone (il pilote sur Breguet XIV). La ligne franchissant les Pyrénées est un défi pour les avions de l’époque. En 1925, il assure la liaison Barcelone-Malaga ; c’est la période qui nous intéresse concernant notre lettre. Fait-il encore à ce moment là la liaison Toulouse-Barcelone ? Est-il en escale à Barcelone (ou il y est installé ?!) ; il prend le temps d’écrire cette belle lettre rempliée d’humilité et de modestie à ce journaliste qui veut écrire un article sur lui et l’aéropostale.
En 1926, il prend en charge la liaison postale Casablanca-Dakar. En mai de cette même année, perdu au milieu du désert avec son mécano, il est capturé par les Maures, puis libéré contre rançon.
En octobre 1927, Mermoz réussit un vol sans escale Toulouse-Saint-Louis du Sénégal.
La même année, Mermoz est envoyé à Rio de Janeiro par la Compagnie Générale Aéropostale, pour développer de nouvelles liaisons en Amérique du Sud.
Il réussit à franchir la cordillère des Andes au cours (il fut contraint à un atterrissage en montagne lors d’une tentative de franchissement et parvint à redécoller acrobatiquement en lançant son avion dans un précipice). Le 15 juillet 1929, il ouvre la ligne des Andes avec Henri Guillaumet.
En mai 1930 il réalise (sur avion Latécoère), la première liaison entièrement aérienne entre la France, Dakar et l’Amérique du Sud et relie sans escale Saint-Louis à Natal sur un hydravion. Mermoz prouve ainsi que le courrier peut être transporté d’un continent à l’autre à bord d’un même appareil. Avant cet exploit, il fallait plusieurs avions et escales.
Entre 1930 et 1936, Mermoz effectuera quelques vingt-quatre traversées de l’Atlantique Sud et restera dans l’histoire comme le premier homme a traverser l’atlantique en avion.
Il disparaît en mer (à l’âge de 35 ans) avec son équipage le 7 décembre 1936 à bord de son célèbre avion « la Croix-du-Sud ». On ne retrouva aucune trace de l’appareil ni de son équipage. Des obsèques nationales furent célébrées en hommage à ce fameux pilote, pionnier et héros de l’aviation civile et de l’aéropostale.
Mermoz était un homme de grande valeur, très simple, accessible et très fidèle dans ses sentiments. Il était ouvert, sympathique et à l’écoute des autres, n’hésitant pas à s’effacer pour mettre en valeur ses amis ou camarades comme on peut le voir dans la lettre que nous proposons !
Après la mise en liquidation de la Compagnie générale aéropostale en 1931, Mermoz, fidèle à lui-même, se fit défenseur de la compagnie, par solidarité envers ses collègues navigants qui se trouvèrent dépourvus d’emploi. N’oublions pas qu’il fut, en 1936, un des fondateurs du Parti social français (PSF) (il en fut même vice-président) et n’hésitait pas à s’impliquer dans tous les mouvements qui lui tenaient à cœur.